- MIAO ET YAO
- MIAO ET YAOLes Miao et les Yao (auxquels il convient d’ajouter les She du Fujian) appartiennent à l’un des multiples groupes ethniques minoritaires répandus dans le sud montagneux de la Chine, réputé pour sa très grande diversité. On les suppose originaires du bassin du fleuve Bleu. La province du Guizhou, où les dialectes miao les plus archaïques sont attestés, représente leur plus ancienne implantation actuellement repérable. Les Miao se sont répandus dans le Sud et dans le Sud-Ouest, alors que les Yao ont essaimé selon un périple plus oriental, puis vers l’ouest où ils ont rejoint les premiers. On rencontre des Miao dans les provinces chinoises du Sichuan, du Hunan, du Guizhou, du Yunnan et du Guangxi. Depuis un siècle et demi, ils ont pénétré, ainsi que les Yao, dans le nord du Vietnam, du Laos et de la Thaïlande; ils y sont appelés respectivement Mèo et Man. En Chine, les Yao se trouvent implantés au Hunan, au Guizhou, au Yunnan, au Guangxi et au Guangdong.Les langues miao-yao forment l’une des cinq familles de langues d’Extrême-Orient. Les tentatives d’apparentement avec la famille sino-tibétaine n’ont pas abouti dans l’état actuel de la linguistique.Des paysans nomadesLes Miao et les Yao sont ainsi présents sur un immense territoire, mais d’une manière très discontinue, car ce sont des montagnards dispersés dans des hameaux parfois de quelques maisons seulement, et, en fait, ils ne totalisent pas quatre millions d’individus, établis pour la plupart en Chine. On ne leur connaît jusqu’ici ni centres urbains ni véritable organisation politique émanant de leur évolution sociale propre. Cette situation s’explique par leur mode de vie. Miao et Yao sont des paysans de tradition nomade. Ils utilisent les ressources de la montagne, comme beaucoup des minorités non-Han (non «chinoises») qui les entourent. Très défavorisés par rapport aux agriculteurs sédentaires des plaines, il est vraisemblable que les montagnards ont été peu à peu repoussés vers les hautes terres par les Han, plus puissants, mieux organisés et mieux outillés. En ce sens, les plus déshérités sont les Miao, implantés sur les pentes les plus hautes (en général au-dessus de mille mètres) et les plus ingrates. Leurs principales ressources agricoles proviennent non pas des rizières irriguées, peu nombreuses et difficilement aménageables à ces altitudes, mais des brûlis de forêt. Pratiquée souvent d’une manière incontrôlable, répétée inconsidérément (notamment dans le nord de l’Indochine), cette technique rudimentaire est très dévastatrice. Elle explique la faible densité et l’éparpillement de ces populations dépourvues d’une organisation sociale géographiquement perceptible.On conçoit qu’il s’agisse de groupes humains ayant vécu en marge des grands courants de développement culturel et économique, et que, de plus, ils se soient diversifiés les uns des autres. Les Miao se divisent en quatre grands groupes dont deux sont bien connus: les Miao occidentaux de langue hmong et les Miao centraux de langue hmou. Ce sont des Hmong qui ont émigré vers le Vietnam, le Laos, la Thaïlande et peut-être la Birmanie. Dans ces régions, ils constituent trois sous-groupes appelés Mèo «blancs», Mèo «verts» (ou «bigarrés», ou «rayés») et Mèo «noirs», d’après la couleur du vêtement traditionnel féminin. Leurs trois dialectes sont aussi différents que le français, l’italien et l’espagnol. On distingue deux groupes Yao représentés en Chine et hors de Chine: les Miên et les Mun. Ils se subdivisent en nombreux sous-groupes mal connus (par exemple, au Vietnam: Man «à grandes planches», «à petites planches», «à sapèques», «à pantalon bleu»). Les langues miao-yao sont monosyllabiques et polytonales. Elles étaient simplement parlées. Des transcriptions en alphabet latin ont été proposées mais ne sont pas encore répandues. Les Yao, plus sédentaires que les Miao et davantage en contact avec les Han, ont dans leur vocabulaire des emprunts plus nombreux au chinois méridional, langue véhiculaire de ces régions; certains groupes Yao ont même abandonné leur langue à son profit. Ils tentent aussi, mais le plus souvent maladroitement, d’utiliser les caractères chinois pour les démarches religieuses.Les principales ressources agricoles sont le maïs et le riz, puis le manioc, les haricots, les pommes de terre, les patates douces, les choux, les concombres, des textiles (le chanvre et le coton), des arbres fruitiers (le pêcher, le prunier, le jaquier), des plantes à fumer: le tabac et le pavot à opium introduit au siècle dernier (et dont les Miao sont les principaux producteurs). Les ressources pastorales sont traditionnellement très appréciées, surtout les buffles, indispensables aux rituels funéraires, les vaches, les chèvres, les chevaux, petits, vigoureux, bien soignés, et, comme dans toutes ces régions, les porcs et la volaille. La chasse et la cueillette jouent un rôle important, ainsi que parfois la pêche. Certains Yao se spécialisent dans la récolte de champignons comestibles qui poussent dans des troncs creux et dans le commerce des bois imputrescibles destinés aux cercueils chinois.Commerce et artisanatL’argent métal, sous forme de pièces et de barres, sert encore communément aux transactions. Miao et Yao recherchent le sel, le fer à forger et de plus en plus de produits bon marché destinés au colportage (cotonnades, satinettes, fils de couleur, papiers dorés et argentés, encens, nattes, verrerie, lampes à pétrole, moustiquaires, outils, médicaments). C’est surtout l’opium qui leur sert de contrepartie, éventuellement des animaux, rarement des produits agricoles; il leur faut, au contraire, parfois acheter du riz.Miao et Yao sont de bons utilisateurs du bois et du bambou; les Hmong du sud couvrent leurs maisons de tuiles de bois, les murs sont faits de planches, le sol est en terre battue ainsi que le four; la maison yao du Sud, aussi rudimentaire, est construite partie sur pilotis, partie sur un sol remblayé. Ils ne connaissent pas la poterie, mais forgent des socs d’araire, des haches, divers outils (herminettes, pelles, couteaux) et un curieux fusil à mèche sans crosse. Depuis toujours ils tissent le chanvre, que les femmes brodent de couleurs vives. Ils travaillent l’argent, qu’ils gravent de motifs traditionnels et dont ils font des bijoux sobres et élégants: lourds colliers, bracelets, bagues, boucles d’oreille, broches.Chamanisme et organisation claniqueCes bijoux ne sont pas seulement un signe de richesse et une satisfaction esthétique, ils ont aussi un rôle religieux. Ils séduisent les âmes (l’être humain en possède trois) qui, ainsi, ne quittent pas le corps. En effet, lorsqu’elles partent vagabonder, comme dans le rêve ou sous l’effet d’une peur ou d’une souffrance, ou encore d’une cause occulte, elles risquent d’être la proie de mauvais esprits invisibles et de causer la maladie et la mort. Il faut alors quérir le chaman: ce spécialiste de l’au-delà interroge ses esprits auxiliaires à l’aide de deux moitiés de corne de buffle utilisées comme des dés et, selon la réponse, il effectue telle ou telle séance chamanique. Un animal – porc, chien, ou chèvre – est tué rituellement. Son «double» (ou son «âme») servira de monture dans l’au-delà. Le chaman se met à «trembler»: il tombe en transe en chantant et en gesticulant selon un rythme défini. Les paroles de son chant décrivent son «voyage» dans les mondes étranges qu’il est censé parcourir à la recherche de l’âme du malade. Lorsqu’il l’a retrouvée, capturée ou rachetée à un génie redoutable, il la réconforte et la ramène sur place. Ces séances, parfois impressionnantes, peuvent, chez les Miao, durer plusieurs heures.La structure sociale de ces populations est fondée sur le clan à filiation patrilinéaire. L’exogamie clanique est rigoureuse: les gens portant le même nom se considèrent comme parents proches et ne peuvent pas se marier entre eux. Des régions plus ou moins vastes sont dominées par un clan puissant, mais cette influence relative (sauf circonstances exceptionnelles de guerre) n’a pas déterminé une organisation hiérarchique de type féodal. Excepté le chamanisme qui se situe en dehors de lui, le clan est le cadre dans lequel se pratiquent tous les rituels. On a dénombré une quinzaine de clans parmi les Hmong implantés hors de Chine.La littérature orale est considérable et mal connue. Elle est surtout composée de chants traditionnellement retransmis qui évoquent souvent le destin, la mort, la renaissance et sont empreints d’une grande mélancolie. Garçons et filles Miao connaissent beaucoup de chansons lestes, indispensables aux grandes fêtes du nouvel an. La nuit, de part et d’autre des cloisons de bois, ils utilisent une petite guimbarde de cuivre pour se donner des rendez-vous d’amour. Les hommes bons joueurs d’orgue à bouche acquièrent la renommée la plus enviable en pays Miao.
Encyclopédie Universelle. 2012.